Comprendre l’alimentation émotionnelle

par | Juil 9, 2025 | 0 commentaires

Rétablir l’équilibre, ou les sensations qui accompagnent la première journée en Birkenstock

Un de mes grands plaisirs estivaux (en dehors du sorbet chocolat), c’est de glisser mes pieds dans des sandales. Mes Birkenstock sont mon symbole de liberté podale : aussi faciles à mettre qu’à enlever, et tellement confortables !

Mercredi, sandales aux pieds et liberté à la clé, j’ai entamé mon circuit habituel dans Avignon : volley → Activité artistique → volley → théâtre → parc → glacier → théâtre. La boucle du « mère-credi » était bouclée.

En fin d’après-midi, j’ai ressenti une sensation d’échauffement familière sur le dessus de mon pied gauche : un peu comme une brûlure, une douleur piquante provoqué par le frottement de la deuxième lanière de la Birkenstock Arizona, vous aurez reconnu les sensations typiques d’une petite ampoule.

Avec un certain soulagement, j’ai retrouvé mes pieds nus en rentrant chez moi, mais la couture du bas de mon jean frottait précisément sur l’ampoule : peau à vif, douleur, inconfort. Par ce florilège de sensations désagréables – bien que parfaitement supportables – mon corps m’a envoyé les signaux nécessaires pour que je passe à l’action de la manière suivante :

  1. enlever mes chaussures
  2. roulotter mon jean pour éviter le frottement
  3. Désinfecter (la base)
  4. Mettre mes birk de côté pour les jours qui viennent.

Comme cette douleur vive et localisée sur mon pied gauche, toutes les sensations corporelles auxquelles nous avons accès et dont nous avons donc conscience ont une fonction bien précise qui est de maintenir l’équilibre global de notre être tout entier :

  • la soif nous signale notre besoin en hydratation et en minéraux,
  • la faim nous signale un besoin en nutriments,
  • la douleur nous alerte d’une menace qui pèse sur notre intégrité physique,
  • la fièvre nous dit qu’un virus ou une infection nous traverse,
  • la fatigue nous invite au repos…

Parce que ces sensations ne sont pas très confortables, elles nous laissent rarement indifférents et nous invitent au contraire à une action rapide. Face à une douleur ou à une fièvre, on peut avoir recours à une panoplie de traitements symptomatiques très efficaces qui amènent du confort pour traverser une blessure ou une maladie. Mais lorsqu’on se contente, dans la durée, de ne traiter que les symptômes douloureux, vous savez que l’on peut passer parfois à côté du bon diagnostic et du soin adéquat.

Et avec les émotions, c’est un peu pareil.

Les émotions : le grand luxe de nos sensations corporelles

Car en effet, tout ce système de sensations physiologiques a pour objectif de maintenir l’équilibre de notre corps, son intégrité, sa survie. Et tout en haut de ce système autonome et performant se trouvent nos émotions. Bien que désagréables pour certaines d’entre elles, elles ne cherchent qu’à attirer notre attention, dans l’idéal nous faire agir d’une certaine manière et infine obtenir l’homéostasie.

Antonio Damasio (enseignant-chercheur en neurologie et neurosciences) les appelle “les joyaux de la couronne en matière de régulation automatisée de la vie”.

Et de la même manière que c’est dans votre corps que vous ressentez la fatigue :

  • les yeux qui piquent,
  • des bâillements,
  • une hypersensibilité aux bruits,
  • peut-être des frissons,
  • des difficultés à vous concentrer

C’est aussi dans votre corps que vous pouvez ressentir et avoir accès à vos émotions.

Par exemple, l’émotion de peur peut se manifester dans votre corps de la manière suivante :

  • Accélération du rythme cardiaque
  • Augmentation de la fréquence respiratoire
  • Pupilles qui se dilatent
  • Inhibition de la digestion
  • Pâleur
  • Tension musculaire généralisée

Tout votre corps se prépare alors à fuir, vos muscles et votre respiration sont prêts à courir un marathon. Vos yeux sont focus sur les dangers potentiels et le moment ne sera pas le mieux choisi pour demander à votre cerveau de résoudre une équation à 3 inconnues.

Dans le cas de la fatigue, comme dans celui de la peur, votre corps s’active pour vous encourager à agir de manière à rétablir votre fonctionnement optimal : ce qui vous soulagera de la fatigue, c’est de vous isoler du bruit, de ne pas vous engager dans une dissertation de philo, de fermer les yeux, de vous allonger. Une fois ces conditions réunies, il y a des chances pour que vous vous endormiez.

Nos émotions : mécanisme de survie parfaitement adapté au mode de vie des cavernes

Tous ces mécanismes visant à favoriser les comportements de survie sont archaïques, ils font appel aux parties les plus anciennes de nos cerveaux, celles qui étaient déjà à l’oeuvre il y a des millions d’années. Sauf que les réponses auxquelles notre corps nous encourage en cas d’émotions douloureuses sont rarement adaptées aux conditions de vie et aux menaces qui planent sur l’être humain privilégié de 2025.

Si la peur, d’un point de vue évolutionniste est l’émotion qui s’active pour fuir un danger ou un prédateur, votre corps est donc préparé, comme on vient de le détailler, à ouvrir grand les yeux vers les issues de secours possibles et à courir jusqu’à ce que le danger soit derrière vous. Mais ce qui nous fait peur aujourd’hui, ce n’est ni l’ours, ni le tigre à dents de sabre et la plupart du temps absolument rien qui ne nécessite de courir à travers la forêt. Nos peurs sont psychologiques, identitaires, sociales :

  • J’ai peur que mon post Instagram soit critiqué (ou invisible)
  • J’ai peur de me “montrer” en maillot à la plage
  • J’ai peur de voir ma tête en réunion visio
  • J’ai peur de ne pas rentrer dans les vêtements que je vais essayer
  • J’ai peur qu’on s’aperçoive que je ne suis pas faite pour ce poste
  • J’ai peur de passer pour la relou de service si je dis non
  • J’ai peur de grossir, de perdre à nouveau le contrôle sur mon alimentation

Le ressenti dans votre corps est pourtant le même que la peur d’être face à un ours, mais courir ne vous vient pas à l’idée et n’est pas vraiment à-propos. Toute cette énergie mobilisée dans votre corps pour prendre la fuite reste coincée et c’est particulièrement désagréable, inconfortable, douloureux.

L’art de la distraction

Notre tendance naturelle d’être humain, face à une émotion douloureuse (peur, stress, tristesse, colère, agacement, frustration, déception, découragement…), c’est de chercher à minimiser cette douleur. On a différentes stratégies à notre disposition, et parmi les moyens faciles et accessibles, on a la stratégie de distraction : grignotage, cigarette, scroll sur Insta, série, jeux… Tout un tas de stratégies qui visent à détourner notre attention vers quelque chose de plus plaisant, à remplacer en somme une émotion désagréable par une émotion plus sympa. Les sources de distraction pouvant aussi se cumuler : Quoi de mieux que le combo scroll + Grignotage pour s’extraire le plus possible de notre expérience intérieure du moment ?

Je ne détaillerai pas aujourd’hui les mécanismes qui expliquent comment et pourquoi la nourriture soulage et occupe une place de choix dans notre armoire à pharmacie émotionnelle (C’est un point que je développe plus en profondeur dans les ressources que je partage à mes clientes, notamment quand on travaille sur la régulation émotionnelle et les pulsions alimentaires) Mais vous avez déjà votre petite idée et en résumé très succinct, parce que, oui, ça fait – vraiment – du bien de manger.

Si vous vous observez dans les jours qui viennent, vous allez peut-être repérer clairement les situations où vous cherchez à manger pour vous soulager d’émotions douloureuses :

Je ne me sens pas bien, j’ai passé une sale journée au boulot, je n’ai eu que des contrariétés, tiens, si je me faisais un pot de crème glacée au goûter ?

Mais parfois, nos schémas de distraction sont tellement automatiques et ancrés dans nos habitudes que vous constaterez simplement que vous finissez les goûters de vos enfants sans comprendre pourquoi… toujours aux mêmes moments de la journée ou de la semaine. Cette sensation de “manger sans l’avoir véritablement décidé” c’est le signe que votre corps a pris le relai pour vous inviter au soulagement rapide de toute cette tension intérieure émotionnelle.

Fréquemment, l’émotion douloureuse qui précède une prise alimentaire n’est pas accessible. Parfois, vous vous “distrayez” tellement efficacement tout au long de la journée que vous n’avez même pas l’impression qu’une émotion est en jeu. Précision importante, les comportements “productifs” peuvent être aussi distrayants que les comportements “oisifs” :

  • on peut se distraire de nos émotions en mangeant des chips sur son canapé devant Netflix,
  • on peut aussi s’en distraire en travaillant de manière intensive (coucou le burn-out), ou en passant des heures à la salle de sport,
  • et on peut se distraire de nos émotions en adoptant une stratégie d’hypercontrôle : par exemple, les comportements anorexiques ont aussi une fonction d’évitement émotionnel et permettent se s’éloigner d’émotions douloureuses.

Dans mes accompagnements, ces formes plus “socialement valorisées” d’évitement reviennent souvent – et il est frappant de voir à quel point le corps parle clairement une fois qu’on lui laisse la parole.

Le problème de ces stratégies de distraction, c’est qu’elles ne fonctionnement pas à long terme (les émotions ont tendance à revenir), et parfois les comportements de distraction eux-même nous posent problème ou impactent notre vie, notre santé, notre poids négativement.

Mon métier, c’est d’accompagner des femmes (en particulier) à déconstruire ces réflexes, non pas en les supprimant brutalement, mais en construisant pas à pas une autre manière de se soutenir émotionnellement – durable, crédible, joyeuse. Pour découvrir mes accompagnements, c’est par ici.

Lectures pour aller plus loin :

Antonio Damasio, Sentir et Savoir et Spinoza avait raison ; joie et tristesse, le cerveau des émotions).

Ilios Kotsou : Eloge de la lucidité (d’où j’ai extrait la citation de Swami Prajnanpad)

 

Written By Marilyn Comte

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