L’épreuve du maillot

par | Juil 16, 2025 | 0 commentaires

Quand je l’ai vue au bord de la piscine, magnifique, avec ses mouvements fluides et son maillot de bain parfait, je me suis sentie tellement, tellement décalée. J’avais le sentiment que mon corps prenait une place démesurée, je me trouvais maladroite, et énorme.

C’est vrai que je ne me rendais pas à ce goûter-piscine-avec-les-enfants avec le meilleur des mindset. Cette invitation proposée par cette copine que je n’avais pas vu depuis des années arrivait juste après ma troisième grossesse : en plein post-partum donc, inutile de préciser que je me sentais mal dans mon corps. J’étais précisément au poids le haut haut jamais atteint. La quarantaine approchait et avec elle mes espoirs de retrouver un corps supportable diminuaient, comme une fatalité.

Alors, comme à chaque invitation qui impliquait le mot baignade, j’étais hésitante. La perspective de tester une nouvelle piscine étant toujours un évènement réjouissant pour mes enfants, j’acceptais, fébrile (aucun moyen de décliner avec élégance l’invitation ne m’était venu, j’avoue).

Les jours précédant, mon projet de ne plus rien manger jusqu’au-dit rdv ayant échoué, la pression monte. Mon attention est concentrée sur “ce à quoi ressemble mon corps” et je rumine de multiples pensées de jugement familières : la honte de devoir me présenter avec ce corps non conforme et toutes les conclusions que je pensais qu’elle allait en tirer sur moi. Le reflet de mon corps, qu’en réalité, je n’osais pas vraiment regarder dans le miroir ne me renvoyait que gras, cellulite, surplus.

J’avais peur de son regard, qu’elle se dise que j’avais grossi (c’est moi, ou elle est encore plus grosse qu’avant ?) en plus d’avoir, évidemment, vieilli. J’avais peur qu’elle soit encore plus belle qu’avant. Je retrouvais une vieille amie, et ce qui occupait mes pensées, c’était nos corps. Pas nos corps vivants, en santé, regardés pour ce qu’ils nous permettaient de vivre, pas pour le plaisir et la chance de pouvoir se rafraîchir dans une piscine en plein été, pas pour célébrer le bonheur d’avoir mis au monde de beaux enfants, pas pour la tendresse et le shoot d’ocytocine que je suis sensée vivre avec mon bébé tout neuf dans les bras. Je retrouve une vieille amie et je suis obnubilée par ce à quoi esthétiquement nos corps ressemblent, l’aspect de nos cuisses, de nos peaux, le rebondi de nos ventres, la manière dont les vêtements nous cachent ou nous révèlent.

Donc quand je suis arrivée et que je l’ai vue, mon petit espoir que ses deux grossesses aient pu entacher un peu de sa superbe s’est envolé. J’ai ressenti une douleur intense dans la poitrine, suivie d’une envie de pleurer. Dans ma tête, et malgré mon sourire apparent, se sont enchaînés toutes les stratégies de résistance et de lutte qui visaient à m’éloigner de cette donnée de départ : mon corps trop gros.

  1. Le jugement :

D’abord, passer en revue tout ce que j’avais fait (ou pas) et qui m’avait mené là, avec ce corps : ces abonnements à la salle de sport que je n’ai pas honorés, ce plat de pâtes mangé la veille, toutes ces tentatives de maigrir avortées par manque de volonté, tous ces kilos repris, et cette dernière phase de perte de contrôle justifiée par mon état de grossesse.

—> Se juger éloigne temporairement la tristesse et se sentir coupable est parfois plus supportable que de se sentir triste.

  1. La résignation
  • J’ai toujours été comme ça,
  • c’est pas pour moi ce genre de corps,
  • moi je ne peux pas manger comme tout le monde, sinon, je serais (encore plus) énorme,
  • je suis grosse et puis c’est comme ça,
  • j’ai tiré le mauvais numéro à la loterie du corps.

—> Se résigner nous évite de nous confronter à la peur d’être (encore une fois) déçue de nous-même.

  1. Le camouflage

J’ai ensuite passé l’après-midi à penser mon corps, à réfléchir aux positions les moins exposantes et à minimiser le temps debout ou en mouvement (pas facile avec des enfants au bord d’une piscine). Tous mes efforts étaient motivés par l’envie de faire baisser mon niveau de stress en cachant mon corps, en tentant de l’invisibiliser. Peine perdue : miser sur le paréo pour ne pas se montrer en maillot, c’est un peu comme cet enfant qui met ses mains devant ses yeux en pensant se cacher de ses parents).

—> Ici aussi, basculer dans nos têtes, chercher une solution “concrète” nous évite – temporairement – de trop ressentir.

  1. Les ruminations

Est venu le temps du goûter :

  • Que va t’on penser de moi si je prends une part de gâteau ?
  • Je ne peux pas accepter le magnum glacé, ça fait trop goinfre.
  • Si je ne mange qu’un fruit, elle va croire que je suis au régime.
  • Combien de calories le magnum, déjà ?
  • J’ai pas beaucoup mangé à midi, on peut dire que j’y ai droit.

—> Revoilà les règles mentales intempestives auxquelles nous accordons de l’attention avec l’espoir qu’elles nous dictent un comportement “amaigrissant”. Ici aussi, les ruminations nous éloignent de nos ressentis, de nous-même et de notre corps (qui reste le meilleur des GPS pour nous donner l’itinéraire vers nos vrais besoins et envies alimentaires).

  1. Les bonnes résolutions :

Puis sur le chemin du retour, sont venues les pensées qui me projetaient sur le futur : l’envie de passer à l’action, la tentation de céder à un nouveau régime, ou peut-être l’envie d’appeler cette diététicienne. Mes bonnes résolutions pour lundi, peut-être ce bouquin à commander avec cette nouvelle approche régimesque : vite, une solution rapide !

—> Envisager des solutions qui ont pu fonctionner dans le passé (à court terme) nous permet déjà de sécréter un peu de dopamine, qui nous éloigne de nos tristesses. Temporairement. Il n’est d’ailleurs pas impossible qu’une intense envie de manger émotionnelle nous submerge une fois franchie la porte de notre cuisine.

En résumé, j’avais passé mon après-midi à observer mon corps de l’extérieur, à tenter de le cacher, à focaliser alternativement sur mes erreurs du passé et les moyens de les réparer dans le futur : mon présent n’existait plus, mon expérience de vie était dans ma tête.

J’étais passé à côté de ces retrouvailles comme je passais régulièrement à côté de ma vie, obsédée par ce corps qui prenait trop de place, surtout dans ma tête. Ma vieille copine avait dû me trouver terne, inintéressante et évidemment grosse et mal fichue. Comment peut-on rayonner et être agréable avec les autres quand on est habité par le jugement et la haine de soi ? Que renvoyons-nous aux autres avec ce genre de pensées ? Et surtout, que crée-t’on pour soi ?

Ce que j’avais créé pour moi, c’était des expériences relationnelles sans vraie connexion, des obsessions mentales autour de l’alimentation et la confusion qui va avec, une haine perpétuelle de soi et au bout les comportements de sabotage et de consolation : manger systématiquement à côté de mes besoins : parfois pas suffisamment, et souvent beaucoup trop.

Quelques mois après cette rencontre, j’ai revue cette vieille copine, lui rendant son invitation. A la fin de notre session, elle m’a dit, polie : “c’est dingue, t’es pas la même que cet été, je trouve, je m’étais dit que ça n’était pas la grande forme pour toi la dernière fois”.

Entre ces deux rencontres, pourtant, pas de déclic, pas de régime ou de pilule miracle, pas d’élan sportif soudain qui auraient transformé mon corps. Entre ces deux rencontres, j’avais expérimenté et mis en oeuvre une compétence essentielle : l’acceptation de mes expériences intérieures douloureuses. Après avoir accompagné maladroitement mes enfants à “gérer leurs émotions”, j’avais suivi un stage en parentalité axé sur cette dimension émotionnelle. J’avais enfin compris ce que accepter mes émotions voulait dire et signifiait véritablement. J’avais compris, mais surtout, je l’expérimentais sur de multiples situations, en particulier ma parentalité, mais aussi mon couple et mes relations aux autres. Je ne me doutais pas que cette compétence allait devenir une clé d’entrée si précieuse pour mettre un point final à ma relation troublée à mon corps et à l’alimentation.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, vous avez besoin d’accepter votre réalité, pour pouvoir in fine agir dessus. C’est une notion assez subtile et souvent mal comprise et donc mal pratiquée. Dans mes accompagnements, j’équipe mes clientes avec des techniques et des outils qui permettent d’expérimenter l’acceptation sur les trois niveaux : émotionnel, corporel et mental.

L’acceptation, ce n’est pas dire “j’aime ce que je ressens”. C’est dire : “Je laisse la place à ce que je ressens, je le vois et je le reconnais” pour pouvoir consacrer mon énergie et mon attention à ce qui compte vraiment pour moi.

Ce n’est ni de la résignation, ni de la soumission. C’est le choix le plus actif que l’on puisse faire pour nous-même : je cesse de lutter contre mes émotions ou mes pensées douloureuses, pour récupérer l’énergie de vivre la vie que je choisis.

Lutter contre votre corps détesté et mentaliser en permanence les règles alimentaires, cela crée une vie de détestation où les règles mentales et l’alimentation occupent toute la place. Accepter ce corps et les émotions qui vous habitent ici et maintenant, c’est faire avec cette réalité et créer un espace ou votre énergie mentale et votre précieuse attention peuvent être orientées vers ce qui compte vraiment.

Il existe peu d’êtres humains sur terre qui se regardent chaque jour dans le miroir et se disent : je suis une bombe, mon corps est fabuleux. Sincèrement, je ne crois pas que ces gens existent.

Mais le point commun entre toutes celles et tous ceux d’entre nous qui ont un problème à ce sujet et souffrent de se trouver au sein du large spectre des troubles du comportement alimentaire, c’est le refus de nos imperfections. Le refus de composer avec le dégoût de ces cuisses trop rebondies, ce ventre trop gros ou trop flasque, et la lutte infinie que l’on est capable de livrer contre ce corps. C’est cette lutte qui nous conduit à peser 5, 10, 20, 30… kilos de plus… ou 5, 10, 20, 30.. kilos de moins que ce pour quoi notre corps est conçu.

  • Quand notre corps esthétique est accepté tel qu’il est, la porte est ouverte à l’écoute de nos sensations corporelles, nos faims, nos rassasiements.
  • Dire non à un gâteau est possible et facile.
  • Refuser de se resservir alors que le plat est tellement bon est juste la réponse automatique qui vous vient naturellement.
  • Et privilégier les aliments et le mode alimentaire que vous choisissez pour vos valeurs, votre santé et l’impact sur votre poids et votre corps se fait sans lutter.

Que pensez-vous de cette notion d’acceptation ? Vous semble t’elle accessible ? Dans quelle zone de votre vie avez-vous le sentiment de lutter, refuser vos réalités ? A quel point cela fonctionne bien pour vous ?


  • Pour être accompagnée à accepter et créer une relation avec vous-même et votre corps chéri sereine et apaisée, le lien vers mon agenda en ligne et présentiel.
  • Et je vous propose de vous offrir quelques lignes de lecture en pleine conscience :

“Se détendre donc. Commencer par se détendre. Respirer. Baisser les armes. L’être que nous sommes, là, maintenant, est parfait tel qu’il est. Se concentrer sur le moment présent rend les choses déjà un peu plus facile. C’est comme ranger son appartement. Tout vouloir ranger d’un coup semble une montagne à gravir… et impossible à réaliser. Du coup, on est découragé. Alors que ranger ce petit tiroir ce serait déjà pas mal.

Au lieu de m’aimer tout entier depuis ma naissance, tous mes actes, et mes projets futurs, pourquoi ne pas commencer à m’aimer juste là, maintenant, dans ce petit moment ? Cette petite minute. Ce petit zoom sur le ici et maintenant de mon existence ? Là, maintenant, m’aimer, cela signifie dire oui à tout ce qui est là. Oui à mon corps tel qu’il est, là, maintenant. Accepter ses cheveux, sa tenue. Si des résistances arrivent, les considérer pour ce qu’elles sont. Elles sont des indices de nos difficultés.”

Dr Yasmine Lienard, A la recherche de son vrai soi.

  • Et je vous souhaite un beau plongeon dans l’été, quel que soit la forme de votre corps sous votre maillot, vous avez le droit de ressentir le plaisir de votre version préférée du rafraîchissement. Le meilleur moyen de la connaître étant de porter votre attention sur vos sens et non dans votre tête : la bonne nouvelle, c’est qu’on ne peut pas faire les deux à la fois.

Written By Marilyn Comte

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